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Baleines, à manger ou à observer ?

Un paradoxe aux yeux du tourisme

Le souffle d'une baleine se repère de loin, mais plus on se rapproche, plus le spectacle est fascinant : l'observation des cétacés est une activité devenue très populaire en Islande. Pourtant, la pratique de la chasse à la baleine, bien que de moins en moins lucrative et au contraire très controversée, reste d'actualité au grand dam des organisations internationales de protection de la nature. Ainsi, dans le port de Reykjavik, on observe d'un même regard vieux baleiniers aux ailerons frappés d'un H ("Hvar" signifie "baleine") et bateaux de croisière avec vigie d'observation . Situation pour le moins cocasse ! La baie de Faxaflói, qui borde Reykjavik, est une zone propice à l'observation des baleines, et donc aussi à leur chasse. Ainsi, la quasi-totalité des prises a lieu dans cette baie, dont 80 % juste à la limite de la zone d'observation, ce qui signifie que les baleines de Minke les plus « curieuses », celles que les touristes peuvent fréquemment apercevoir, sont aussi celles qui sont tuées. A Reykjavik, il existe même une agence qui propose d'aller observer les baleines puis d'en déguster de retour au port ! de quoi décrédibiliser la volonté de ces autorités islandaises de promouvoir la nature qui reste l'atout principal de la destination. 

La chasse recule, l'observation est en plein essor

Photo prise sur Internet
Photo prise sur Internet

Si la chasse à la baleine (rorqual commun et petit rorqual, ou "baleine de Minke") en Islande remonte à plusieurs siècles, ce n'est qu'au XIXe puis XXe siècle que l'industrie se modernisa et s'étoffa avec de nouvelles techniques plus rentables et efficaces, qui menèrent rapidement à une chute du nombre de cétacés. Plusieurs organismes internationaux en prirent conscience et la Commission Baleinière Internationale, la CBI, fut créée. Le moratoire entré en vigueur en 1986 ne freina pas l'Islande dans son activité de chasse qui fut alors déclarée comme étant à but scientifique (le moratoire avait en effet autorisé un quota de chasse pour cette cause). Depuis, l'Islande et la CBI jouent au chat et à la souris pour obtenir gain de cause. Aujourd'hui, c'est une forte baisse de la demande conjuguée à des lourdeurs administratives sur l'exportation et des tollés internationaux qui mettent à mal l'industrie baleinière en Islande, dont le Japon est le principal client. Car les islandais sont de moins en moins consommateurs de cette viande, et de nombreux restaurants commencent à renoncer à proposer ce met. De plus, certains ports d'escale entre l'Islande et le Japon ont récemment refusé d'accueillir les cargots acheminant la viande, les contraignant à faire demi-tour.

En parallèle, l'activité d'observation est en plein boom. De 200 000 visiteurs en 2014, l'année 2017 attend près de 350 000 touristes sur les bateaux islandais pour venir observer ces magnifiques mammifères marins, soit un peu plus que le nombre d'habitants du pays ! Il est aujourd'hui clair qu'en Islande, observer les baleines est devenu une activité bien plus lucrative que celle de les manger. Sachez que la grande majorité des baleines de Minke tuées aujourd'hui, bien qu'en diminution, terminent tout de même dans les restaurants touristiques. Libre à vous de participer à cet élan écologique et éthique qui fera perdurer la présence de baleines dans les eaux islandaises.