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Alaska, Into the Wild - 3/3

Difficile de se remettre de ses émotions après une journée d'excursion à Katmaï. Les discussions tournent beaucoup autour des moments forts de notre journée d'hier, tandis que nous -guides- essayons d'organiser au mieux la suite du voyage qui s'annonce plus compliquée avec l'arrivée du mauvais temps. Avant de mettre le cap plein nord vers le parc de Denali, nous avons une journée pour découvrir la péninsule de Kenaï, au sud-est d'Anchorage. Cette région regorge d'intérêts culturels (vestiges de la colonisation russe, patrimoine orthodoxe, villages de pêcheurs, baie de Prince William et théâtre du naufrage de l'Exxon Valdez...) et naturels (fjords, glaciers, réserves naturelles et rivières à saumon), malheureusement il nous sera difficile d'en profiter avec cette météo qui souffle de forts vents et crache de lourdes pluies. Nous nous rendons tout de même à Seward pour visiter l'aquarium et s'arrêter devant quelques jolies images...

Sur le bord de la Seward highway, une femelle orignal broute au milieu d'un marais.

Les animaux communiquent entre eux. Pour preuve, regardez cette technique de broutage utilisée par cette orignal.e: ne vous fait-elle pas penser à l'ours en mode autruche ? J'espère que son taux de réussite à elle est au moins tout aussi important !


En route pour le Denali

La longue route Parks highway s'étire d'Anchorage à Fairbanks, passant par le devenu célèbre parc national de Denali, lieu du drame qu'a connu Christopher McCandless et relaté dans le roman puis film Into the Wild.

Mais le parc était déjà bien prisé des amoureux de la nature et des alpinistes en quête d'un nouveau sommet: le mont McKinley, renommé mont Denali, culminant à 6190m et prônant ses neiges éternelles au-dessus d'une toundra arctique.

Aujourd'hui, le parc est très, très visité en été. Pour la beauté de ses paysages, et la présence de bons nombres d'animaux. Une densité qui n'a rien à voir avec les parcs africains évidemment, mais on peut s'attendre à croiser ours, élans, caribous, mouflons de Dall, chèvres de montagne, et avec beaucoup de chance, loups et lynx. En septembre, plusieurs avantages:

  • c'est la période de rut de l'orignal, on en voit régulièrement aux abords de la route, ils descendent des collines pour se reproduire. Beaucoup de gros mâles aux bois énormes, n'hésitant pas à charger les envahisseurs de toute sorte...
  • Le climat est assez doux, le ciel souvent bleu. L'automne arrive, et les forêts se parent des milles nuances de jaune/orange.
  • Les nuits s'allongent, l'obscurité se densifie: c'est le début de la période des aurores boréales.

La route fait partie intégrante du paysage, serpentant entre les forêts et les plaines couvertes d'une toundra arctique

Bon, il faut bien qu'il y ait des inconvénients à venir pendant la belle saison. Clairement, à Denali, il y a beaucoup trop de monde. Heureusement, les autorités ont décidé de fermer aux particuliers la plus grande partie de la route qui s'enfonce dans le parc, laissant uniquement rouler les bus touristiques. Le revers de la médaille: ces bus sont de plus en plus nombreux et dénaturent la beauté de Denali. Les infrastructures poussent comme des champignons et l'ambiance n'est plus vraiment sauvage. Sur la portion de route ouverte aux véhicules, la moindre observation d'un animal crée des bouchons sans limite, des voitures arrêtées n'importe comment et les selfies justifient les comportements irresponsables envers la faune mais aussi les paysages. Alors, il faut pousser la visite un peu plus loin, sortir de son véhicule et entamer une randonnée: là, on commence à s'immerger, à entrer en osmose avec les éléments, loin de la foule polluante et sonore.

J'aime ces jeux de couleurs entre les différentes espèces d'arbres
J'aime ces jeux de couleurs entre les différentes espèces d'arbres

Stampede road

Suffisamment d'articles de blog et de site reprennent l'épopée de McCandless. Pour beaucoup de jeunes, Into the Wild est devenu un chemin à suivre, une philosophie, voire un besoin vital. Ils se lancent à l'assaut de leur rêve commun, le pèlerinage sur le stampede trail pour gagner le fameux bus vert, le "magic bus" où s'était installé leur héros. Depuis la sortie du film, c'est une invasion de baroudeurs que connaît le site. Pourtant, le sentier requiert une certaine préparation et le trek n'est pas sans danger. Il nécessite en général deux jours de marche et surtout, le passage d'une rivière particulièrement dangereuse, la Teklanika, qui fut à l'origine de la mort de McCandless en 1992. Plusieurs visiteurs se sont fait surprendre et sont morts noyés, le dernier remonte à l'été dernier: une jeune femme de 24 ans, en voyage de noce, s'est fait emporter par le courant... 

 

En tant que guides, avec Hélène, nous souhaitions proposer une petite balade surprise à nos clients, n'ayant pas beaucoup gambadé durant le voyage: comme le parc de Denali est très visité, nous envisagions de leur faire découvrir le début du sentier de Stampede, histoire de se dégourdir les jambes dans un environnement pour le moins into the wild. En fait, il y a très peu de sentiers de randonnée dans la région en dehors de celui-ci. Mais, ne connaissant pas l'état de ce chemin, il nous fallait aller le découvrir en "éclaireurs". Le mot est assez juste finalement, car c'est vers minuit que nous avons enfin eu l'occasion de nous y rendre sans les clients. La Stampede road part de la Parks highway au nord du village de Healy. D'abord bitumée, elle devient gravillonnée. L'obscurité n'était entravée que par la lune et nos phares. Le silence, seulement par notre bruit de moteur. Au bout d'un bon quart d'heure, nous arrivons tout au bout de la route se terminant en cul-de-sac pour laisser place au fameux sentier Stampede trail. Et là, quelle ne fut pas notre surprise de voir une sorte de terrain vague occupé par des mobil-homes et minivans, des tentes et des camping-cars. Certains s'étaient installés confortablement autour d'un feu avec des bières et semblaient attendre leur départ sur le sentier. Leurs cris résonnaient bien loin dans la toundra.

Nous avons tout de même coupé le moteur et entrepris un début de balade pour tâter le terrain. Très vite, des phares puissants arrivent d'en face: c'est un énorme 4x4 qui s'en revient d'on ne sait où... côté terrain, d'immenses flaques noient le sentier sur plusieurs dizaines de mètres, nous contraignant à le contourner par les terrains très marécageux. Autant dire, une avancée délicate et à ne surtout pas entreprendre sans grosses chaussures ou bottes. Malgré tout, l'aventure nous anime. Éclairés par la lune, aidée seulement par notre frontale en cas de nécessité, nous évoluons dans une nature où les ours peuvent surgir à tout moment. Cette pensée fait frissonner.

Contournement impératif par les marécages: le sentier principal est innondé
Contournement impératif par les marécages: le sentier principal est innondé

Finalement, après le passage de quelques zones trop inondées, nous décidons de nous arrêter quelques instants pour profiter de cette ambiance si particulière d'une randonnée nocturne en pleine toundra, avant de rebrousser chemin. Nous ne pourrons pas proposer cette randonnée à nos clients, mais je garderai longtemps en mémoire cette tentative d'exploration en éclaireur, qui s'est terminée par l'apparition de petites aurores douces dans le ciel arctique...


La Dalton highway: cap vers l'océan arctique

La Dalton highway, ou la route des extrêmes. Son histoire est commune avec celle de la découverte d'immenses gisements de pétrole à Prudhoe Bay. Construite en 1974 comme route d'approvisionnement pour l'oleoduc qui relie Valdez à Prudhoe Bay, elle part de Livengood, à quelques bornes au nord de Fairbanks, et se termine à Deadhorse. L'hiver, la dernière partie de route, entre Deadhorse et Prudhoe Bay, est une route de glace empruntée par les poids lourds autorisés pour ravitailler les stations de forage.

Cette route mythique, couverte de graviers ou de terre (hormis sur les 175 premiers kms), traverse le cercle arctique et seulement trois villages: Coldfoot et Wiseman (moins de 20 habitants) et Deadhorse (25 résidents permanents mais nombreux saisonniers). Ces étapes offrent des solutions d'hébergement pour les motards et autres en quête d'aventure...

Moi, j'aimerais bien aller y faire un tour. Histoire d'en montrer le préambule à nos clients, nous nous rendons au nord de Fairbanks, en s'imaginant ne plus s'arrêter avant l'océan...

crédit newsdeeply.com
crédit newsdeeply.com

Si l'été et l'automne apportent leurs réjouissances colorées, l'hiver couvre la route d'un beau manteau de neige. Cette photo en est la preuve. Quelle formidable aventure ce doit être de parcourir les 666km de cette route déserte...encore faut-il s'y préparer comme il se doit.



Retour à Denali: l'été s'en va

Après avoir rêvé du Grand Nord en s'échappant le temps de quelques heures sur les prémices de la Dalton highway, nous laissons notre groupe à l'aéroport de Fairbanks. Presque 3 semaines se sont écoulées depuis le début du voyage à Juneau. Suffisamment longtemps pour avoir la tête remplie de cartes postales, de moments d'émotion, de contemplations, de joies et de découvertes. Être guide apporte son lot de satisfactions mais aussi de difficultés, et c'est un petit challenge de laisser repartir son groupe avec des sourires sur tous les visages. Je crois que c'est chose faite :-)

Pour l'heure, nous devons rapporter les vans à Anchorage, et avons donc une belle journée de route devant nous. Histoire de re-traverser ces paysages de rêve. Et, chose étonnante, le parc de Denali ne se présentera plus du tout sous les mêmes couleurs qu'il y a 3 jours. Déjà, la plupart des visiteurs sont repartis. Les boutiques et restaurants ont fermé. Et puis, le climat s'est amplement rafraîchit, Il a neigé sur les sommets, et les plaines s'ornent de couleurs moins chaudes.

 

Nous poussons la balade un peu plus loin, pour sortir des sentiers battus et ressentir la véritable ambiance du parc: celle des marécages imprévus, de l'air frais, du silence absolu, des mouvements furtifs dans les herbes hautes, de la solitude et de la liberté. Et pourtant, nous ne sommes pas allés très loin, mais marcher dans l'ailleurs change TOUT.

Un peu plus au sud le long de la route, nous croisons un endroit qui sent le barrage à castors à plein nez.

...nous tentons de nous y engouffrer mais encore une fois, les terrains marécageux ont raison de nous

 

Un peu plus loin sur la route, nous croisons une gorge toute jaunie

Enfin, comme pour venir nous saluer et nous remercier d'être venus sur le territoire américain, c'est le symbole du pays qui vient nous rendre visite.


L'ALASKA, DERNIÈRE FRONTIÈRE À DÉCOUVRIR