A travers la grandissante prise de conscience écologique, le mythe du Grand Nord est plus que jamais ressorti des carnets de voyage crayonnés par les premiers explorateurs qui s'y aventurèrent. On (re)découvre alors l'extraordinaire richesse que représentent ces territoires immaculés, ces glaces majestueuses qui nous murmurent à bout de souffle leur lente agonie, ces terres inhospitalières à l'homme, et qui pourtant regorgent d'une vie sauvage endémique. Mais aussi ces petits bouts du monde que nous avons voulu conquérir par cet amour propre cher à l'espèce humaine: l'Islande, le Nunavut, le Groenland, l'Alaska, la Sibérie. Autant de noms qui font rêver même les atlas, et qui pourtant sont les premières victimes d'une surexploitation de l'homme moderne qui n'en finit plus de pomper les richesses de la terre. 

Comment ne pas s'émouvoir pourtant devant le réveil des oursons blancs à la sortie de leur tanière ? comment ne pas s'émerveiller devant la danse d'une aurore boréale dans le ciel polaire, ou devant le spectacle d'un iceberg se déchirant du glacier dans un bruit fracassant ?

Photographes, reporters et aventuriers profitent aujourd'hui de ce regain d'intérêt pour faire revivre la beauté jamais niée de ces pôles qui ont besoin de toute notre attention, et que seul notre émerveillement peut sauver. Alors voici quelques clichés pris en Alaska, au Canada, au Groenland ou en Norvège (à venir). Regardez-les avec amour, car c'est avec cet amour que je les ai pris.  Cet amour que je porte aux destinations polaires depuis si longtemps, cette attraction par le blanc, par l'immensité froide et par la faune endémique du Grand Nord. En espérant que les générations futures ne les regardent pas avec amertume...

 

C'est alors que le ciel froid et sombre se mit à s'animer de voiles verts ondulant au milieu de l'infini. Nous sortions tout juste du lodge en bois, la tête déjà dans les étoiles qu'à peine les esprits de la toundra se réveillaient au dessus de nos têtes et manifestaient leur présence à travers ce spectacle unique qui n'appartient qu'aux extrémités de la Terre. La nuit polaire dansait. Le silence s'installa tout autour de nous, comme pour rendre hommage à cette célébration de la nature, cette danse des esprits. S'estompant progressivement avant de briller à nouveau de toute sa clarté, l'aurore a offert au ciel canadien un hymne à la beauté. Merveille des pôles, que de légendes se sont emparées du phénomène naturel pour faire revivre les peuples ancestraux. A nous d'imaginer la nôtre.

Spitzberg


Canada

L'ours blanc dans tous ses états

Churchill, petite bourgade de 900 âmes inuits, sur la rive ouest de la Baie d'Hudson, aux confins du grand nord canadien. L'ours blanc est ici le seigneur des terres. Il attend la formation de la banquise pour aller chasser le phoque, faire sa réserve de graisse, avant d'aller passer l'hiver rigoureux dans sa tanière. Mais en été, il paraisse. Les champs de lupin et les étendues d'eau rafraichissante forment son terrain de jeu et de repos. J'ai l'immense bonheur d'être invité par le travail à passer 4 jours dans ce paradis des ursidés. Et, cerise du le gâteau, nous visitons même un lodge que l'on atteint après 20mn d'hydravion au dessus de la Baie d'Hudson, afin de partir en randonnée à la recherche des ours...une expérience qu'aucun qualificatif ne peut décrire. Peut-être que les photos le feront un peu mieux. Rencontre avec cet ours, à 30m de nous.


Alaska

Sans tomber dans l'anecdote à l'eau de rose, et sans exagérer, j'étais au bord des larmes en faisant revivre ces photos mises au placard pendant tant d'années. L'Alaska, c'était mon premier grand voyage aux confins du Grand Nord. Et pour l'occasion, j'avais cassé ma tirelire pour m'offrir ce qui allait être une panoplie d'émotions plus fortes les unes que les autres. De la rencontre avec les inuits de Barrow, au survol de l'île de Kodiak ponctué de 3h d'observation des ours bruns en pleine pêche au saumon, en passant par le safari dans le parc de Denali, celui qui fut le triste décor de l'aventure menée en solo par Christopher Mc Candless, retracée dans le film "Into The Wild", le plus grand état des Usa m'a conquis comme rarement. Sauvage et bien préservé, loin et cher et donc assez peu visité (toute relativité conservée), avec plusieurs identités qui nous propulsent tantôt à l'époque des amérindiens et des cultures totémiques, tantôt à celle des chasseurs-pêcheurs inuits ou encore des orthodoxes russes...une fresque absolument unique d'expériences qui se racontent difficilement, mais qui se vivent profondément


Groenland

Tout comme l'Alaska, le Groenland possède un nom qui fait déjà rêver avant d'être exploré. Reliée dans notre imaginaire aux grands espaces blancs, à la glace, aux peuples ancestraux, aux ours polaires, aux aurores boréales et au traineau à chiens, la deuxième plus grande île du monde peut se targuer d'offrir réellement tous ces fantasmes à notre esprit rêveur.

Toutefois, petite précision de la part d'un passionné des ursidés: on ne vient pas au Groenland pour voir les ours blancs, même si des ours blancs vivent au Groenland. Ils y vivent, oui. Seulement, pas dans la partie tout à fait accessible...

Bref, mise à part cette mise à jour qui pourrait éviter toute vilaine déception aux vagabonds mal renseignés, cette île gigantesque est recouverte à 80% par l'inlandsis, calotte glaciaire qui renferme la plus grosse réserve d'eau douce de l'hémisphère nord (l'Antarctique règne en maître sur la Terre dans ce domaine). Seules les côtes sont donc habitées. Habitées, et convoitées. De grosses réserves sous marines de pétrole et de gaz attisent les convoitises, à tel point que leurs exploitations par les ogres internationaux du forage soulèvent la question de l'affranchissement de la tutelle danoise qui pourrait s'offrir à cet état constitutif. Pour ce qui est de l'environnement et de l'écologie, espérons que le projet soit repoussé le plus longtemps possible. Car ici, le réchauffement climatique est ressenti plus fortement que nulle part ailleurs dans le monde...

Trêve de bavardages théoriques, passons aux brèves illustrées. D'Ilulissat, paradis des icebergs au bord de la Baie de Disko, à Kangerlussuaq, porte d'entrée vers la calotte glaciaire et lieu de passage des lointaines expéditions polaires menées par Paul-Emile Victor au siècle dernier, je plonge dans cet environnement qui ne laisse de place qu'au silence.

Ce qui m'a touché au Groenland, c'est ce passé qui n'est pas passé. Ces traditions ancestrales toujours ancrées et même relayées par les nouvelles générations. Certes l'occidentalisation est réelle et inévitable, mais la chasse à la baleine, au phoque et au caribou reste une activité largement pratiquée, et la pêche (flétan, omble chevalier, crevettes...) est indispensable. Dans la rue, on observe les Inuits vêtus de grosses parkas aux marques internationales onéreuses, mais aussi chaussés et gantés de peaux de phoque. Les maisonnettes en bois colorées, montées sur pilotis, sont toujours majoritaires, bien que des immeubles plus modernes apparaissent aussi sur le plan de ville.

Dans les assiettes, on retrouve du steak de boeuf musqué autant que du pad thai ou de la pizza margharita. Les commerces se partagent l'électronique dernier cri et l'artisanat traditionnel. Le linge pend parfois sur le même séchoir que le poisson, et les chiens de traineau croisent les motoneiges sur les pistes infiniment blanches.

C'est cette terre de contrastes, à l'aube du 21ème siècle, que nous avons la chance de découvrir en faisant ce voyage. Du fond du coeur, j'espère que la balance restera équilibrée et que l'acculturation ne mettra pas à mal l'extraordinaire culture de la terre et de la nature que les peuples autochtones nous ont appris.